jeudi 19 avril 2018

Les aventures de la famille Troche - Partie III : jeux de signatures

Lors des précédents chapitres, nous avons suivi les ancêtres de Juliette Troche à Dieppe, en découvrant par la même occasion les vieilles rues du port ainsi que ses anciennes fortifications. Pour autant, l'acte de mariage de Jean-Nicolas Troche et d'Anne Leprince reste introuvable. Dans ce troisième chapitre, nous allons reconstituer le parcours des membres de la famille Troche grâce à leurs signatures.

Depuis le temps que nous l'attendions, le beau temps est enfin réapparu ! Cela ne m'a pas empêché de poursuivre mes recherches sur divers fronts et de découvrir l'existence de documents insoupçonnés sur certains ancêtres qui n'avaient laissé que peu de traces dans les registres paroissiaux. Il ne reste plus qu'à obtenir ces documents... Je me suis aussi essayé, autodidacte, à lire et à transcrire des vieux contrats de mariage du Grand Siècle, ce qui m'a notamment permis d'apprendre qu'une ancêtre possédait une boîte en bois de sapin gravée contenant tout son or. Une sorte de petit coffre au trésor en somme. Mais trêve de bavardages, passons maintenant aux histoires que nous allons tenter de reconstituer aujourd'hui, dans ce troisième chapitre de la chronique consacrée aux aventures de la famille Troche. Après le pays de Caux et son port, Dieppe, où se sont installés Jean-Nicolas Troche et Anne Le Prince au milieu du XVIIIe siècle, nous allons partir à la recherche des membres de cette famille en suivant leurs signatures.

Deux bateaux de pêche [...] - photographie négative 1851/1860 - Henri Le Secq - BNF (Gallica)
Se lancer dans la recherche d'ancêtres sur lesquels j'avais peu de renseignements m'a quelque peu donné l'impression de partir pour un voyage vers l'inconnu. On embarque pour une croisière dont on ne connaît ni la destination, ni les escales, sur traces d'individus dont on ne connaît l'existence que par quelques mots écrits dans les registres de telle ou telle paroisse. Tout est mystère. Un peu comme on le ressent en regardant cette photographie négative de bateaux amarrés. Qu'allons-nous trouver ? A notre disposition, quelques indications, partielles si ce n'est incomplètes, dont il faudra tirer de multiples idées, des hypothèses, à la manière d'un inspecteur de police.

Jean Nicolas Troche et Anne Le Prince ont eu au moins trois enfants, à savoir Marie-Anne Julie, Jean Gabriel et Charles Antoine, mon ancêtre, respectivement nés en 1748, 1751 et 1759. Ils étaient déjà installés à Dieppe à la fin de la décennie 1740, alors que la Guerre de Succession d'Autriche s'achevait, mais ne s'y sont visiblement pas mariés et ne figurent pas dans les répertoires alphabétiques. Dommage, cela aurait été plus simple pour reconstituer leur ascendance. Faut-il croire que mes ancêtres aimaient brouiller, compliquer ou encore encombrer les pistes ? Pourtant, j'en suis persuadé, ce mariage a eu lieu au plus tôt en 1745, peut-être même en 1748. Rappelons-nous que Jean Nicolas Troche n'avait même pas cinquante ans lorsqu'il meurt en 1772, ce qui induit une naissance aux alentours de l'année 1724. Sa femme ne devait être guère plus âgée...

Je décide alors de m'intéresser aux parrains et aux marraines de leurs enfants. Après tout, le jeune couple n'était pas originaire de Dieppe. Leurs proches, s'ils n'habitaient pas trop loin, leur rendaient peut-être visite, ou du moins, ils devaient faire le déplacement pour les occasions particulières comme le baptême d'un nouveau-né. On désignait d'ailleurs comme parrain et marraine des membres de l'entourage proche ou des personnes de confiance. Je commence ainsi par lire entièrement l'acte de baptême de Marie-Anne Julie Troche, dont la date, novembre 1748, est la plus proche de l'emménagement des Troche à Dieppe.

Extrait de l'acte de baptême de Marie-Anne Julie Troche - 1748 - Dieppe Saint-Rémy - Archives de la Seine-Maritime
Transcription : "[...] nommé par Nicolas Le Prince, tisserand de la paroisse d'Offranville, et Marie Anne Duhamel [...] " Que c'est intéressant ! Il y a fort à parier que si ce Nicolas Le Prince n'est pas le père d'Anne, il lui est probablement apparenté. Les indices étaient ainsi sous mes yeux. Je pars dès lors une dizaine de kilomètres plus au sud pour Offranville, une bourgade comptant un bon millier d'habitants et dont les origines remonteraient au Haut Moyen Âge. En feuilletant les pages précédant novembre 1748, je trouve rapidement un mariage Troche - Le Prince ! Oui mais... non.- j'écoute Mylène Farmer en même temps, c'est pour ça... - Ce sont bien des Troche et des Le Prince dont les noces sont célébrées le lundi 17 juillet 1747 ; mais il s'agit en réalité de celles de Charles Troche et de Catherine Le Prince. Ma curiosité naturelle me pousse à lire l'acte en sa totalité, ce qui me permet de rassembler plusieurs indices. La curiosité est pour moi une qualité essentielle de tout historien, généalogiste ou enquêteur.

Oui mais... non... mais oui !  Certes, ce ne sont pas Jean Nicolas Troche et Anne Le Prince, mais des éléments successifs me portent à croire que cet acte les concerne, eux et leurs familles. Ne serait-ce déjà que la situation professionnelle de Charles Troche : la vingtaine tout juste, il travaille à la manufacture de tabac de Dieppe. Ensuite, Catherine Le Prince - ou Chaterine si l'on respecte la graphie du curé -, de quatre ans l'ainée de son mari, est la fille de Nicolas Le Prince et de Magdeleine Lagnel, de la paroisse d'Offranville. Si quelques doutes persistent tels de petits grains de sable, la suite va les balayer d'un coup, à la manière d'une forte brise marine...

Extrait de l'acte de mariage de Charles Troche et de Catherine Le Prince - 1747 - Offranville - Archives de la Seine-Maritime
Transcription : "[...] leur ai donné la bénédiction nuptiale avec les cérémonies prescrites par la Sainte Église apostolique et romaine, lesquels ont signé avec moi en présence des témoins soussignés, à savoir de Marguerite Le Moine mère et de Jean Troche frère du contractant ; de Nicolas Le Prince père et Thomas Le Prince frère de la contractante." J'en suis dès lors convaincu : Jean Nicolas et Charles Troche sont frères tout comme Anne et Catherine Le Prince sont soeurs. Cela semble évident et il y a trop de coïncidences - lieux, professions, noms, prénoms, témoins mentionnés et liens de parenté explicités - pour qu'il s'agisse d'un simple cas d'homonymie. 

Fidèle à mon attrait pour l'écriture de mes ancêtres, je me penche sur les signatures. Il y en a sept au total dont celle du curé d'Offranville et les marques de Nicolas et de Thomas Le Prince, ainsi que de Charles Troche, qui ne savent écrire. Restent alors celles de l'épouse, Catherine Le Prince, de la mère de l'époux, Marguerite Le Moyne, qui possède une belle écriture pour une femme née a fortiori au début du XVIIIe siècle, et surtout, celle de Jean Troche, le frère de l'époux. Il y a quelque temps, je m'étais interrogé sur le niveau d'instruction des différents membres de la famille Troche. J'en avais conclu que tous n'avaient pas reçu le même apprentissage. Si Jean Nicolas Troche savait signer, une question me turlupinait légèrement - que j'aime cette expression - et j'avais hâte de pouvoir y répondre.

Souvenons-nous. Jean Nicolas Troche signait d'une écriture très correcte en 1751 mais il n'y avait aucune trace de sa signature, ni mention de son niveau d'instruction, en 1748. Je m'étais alors demandé s'il avait ou non appris à écrire entre ces deux dates. La réponse est maintenant connue : non, il savait déjà signer en 1747. La comparaison des successives signatures de Jean Troche va me permettre de confirmer mon hypothèse quant à la double parenté des couples J. N. Troche / A. Le Prince et C. Troche / C. Le Prince.

Signatures de Jean Troche (1747 ; 1751 ; 1769) et de Marguerite Le Moyne (1747) - Archives de la Seine-Maritime
La première signature, en partant de la gauche, est celle de Jean Nicolas Troche, qui signe toujours Jean, en 1747, au mariage de son frère Charles. La deuxième est celle du baptême de son fils en 1751 ; la troisième est tirée du mariage de sa fille en 1769 ; la quatrième est celle de sa mère. Il faudrait faire preuve de mauvaise volonté pour ne pas conclure que ces trois signatures ne sont issues que d'une seule et même plume : celle de Jean Nicolas Troche. Un autre élément intéressant vient, selon moi, de la similitude entre l'écriture de Jean Nicolas Troche et celle de sa mère Marguerite Le Moyne : même manière de former les e, les n, les r et les a, courbes, arrondis et fluidité semblables. Serait-ce elle qui lui aurait appris à écrire ?

Si le mariage de Jean Nicolas Troche et d'Anne Le Prince semble ne pas s'être déroulé à Offranville ni même à Dieppe et reste introuvable, j'ai heureusement en ma possession de nouveaux éléments : Charles Troche, âgé de vingt ans, fils de Jean Troche et de Marguerite Le Moyne, frère de Jean Nicolas, est originaire de Sauchay, à une vingtaine de kilomètres au nord-est d'Offranville. Les parents de la mariée sont Nicolas Le Prince et Magdeleine Lagnel. Partons à la recherche d'autres indices qui nous permettraient de compléter ces informations.

Acte d'inhumation de Magdeleine Lagnel épouse Le Prince - 26 mai 1750 - Offranville - Archives de la Seine-Maritime
Je ne tarde pas à trouver une nouvelle preuve du lien de parenté entre Jean Nicolas Troche et sa belle-famille avec l'acte d'inhumation de Magdeleine Lagnel, qui meurt à Offranville le 25 mai 1750. Transcription : "Aujourd'hui 26 de mai 1750 moi prêtre curé [...] ai inhumé [...] le corps de Magdeleine Lagnel, femme de Nicolas Le Prince, de cette paroisse, laquelle [...] est décédée du jour précédent à l'âge de 54 ans, en présence de ses parents soussignés [...] Thomas Le Prince son fils, Nicolas Le Prince son époux, Jean Troche (signature) son gendre." La signature de Jean Nicolas Troche, ici en date de 1750, est exactement la même que celles de 1747, 1751 et 1769. La parenté entre les familles Troche et Le Prince, indiquée dans l'acte, est sûre. Il nous faudrait une preuve du même type en ce qui concerne les deux générations de la famille Troche. Après une petite heure de recherches, je me retrouve nez à nez avec  l'acte de mariage de Louis Charles Troche, frère de Jean Nicolas, avec Marie-Françoise Renié, le 2 septembre 1755 à Dieppe. Décidément, tous les chemins mènent à Dieppe !

Signatures extraites de l'acte de mariage Troche / Renié - 2 septembre 1755 - Dieppe - Archives de la Seine-Maritime
Une nouvelle bonne surprise puisque Jean Nicolas Troche assiste au mariage de son frère dont il est témoin et signe. Quant à Louis Charles Troche, pour répondre à la question que je m'étais posée, il sait signer et possède d'ailleurs une écriture proche de celles de son frère et de leur mère, même si son orthographe est imparfaite. Marguerite Le Moyne aurait-elle appris à ses fils à écrire ? En tout cas, l'acte indique qu'elle est malheureusement décédée entre temps, au cours des huit années qui suivirent le mariage de Charles Troche en date de 1747. Il est également intéressant de noter que l'épouse, Marie-Françoise Renié, veuve de Guillaume Tobie, est âgé de trente-sept ans, soit quinze ans de plus que Louis Charles Troche, âgé de vingt-deux ans ! L'inverse ne m'aurait pas tant surpris, mais il est plutôt rare qu'il y ait un tel écart d'âge lorsque l'épouse est plus âgée que son mari. Ont-ils eu des enfants ?

Quelque chose m'échappe. Il manque à vrai dire deux pièces pour compléter cette partie là du puzzle. Premièrement, le décès de Marguerite Le Moyne, qui est survenu entre juillet 1747 et septembre 1755. Et surtout, le mariage de Jean Nicolas Troche et d'Anne Le Prince. Je n'ai rien trouvé ni dans la paroisse Saint-Rémy de Dieppe ni à Offranville. Il me reste alors une dernière possibilité : Sauchay-le-Haut, qui semble être le village d'origine des Troche au XVIIIe siècle. La lecture des actes, si elle est tout à fait réalisable, et même si les registres sont relativement courts, est quelque peu fastidieuse. Aucun nom n'est indiqué dans la marge, parfois l'encre a débordé, noircissant certaines pages. Je décide de m'en tenir aux signatures qui ne sont pas tellement fréquentes. Par chance, Marguerite Le Moyne et ses fils savaient signer. Ma première trouvaille est une déception : un acte de mariage, entre une Marie-Anne, fille et soeur de Jean Troche et non ! Ce n'est pas Troche mais Trochet ; la mère et les autres noms ne correspondent pas. Qui sait, s'agirait-il de cousins ayant modifié leur patronyme... ? Je continue à feuilleter antichronologiquement les registres et peu de temps après, intervient alors un nouvel acte.

Mention et signature de Marguerite Le Moyne, marraine - 3 janvier 1746 - Sauchay-le-Haut - Archives de la Seine-Maritime
Le 3 janvier 1746, Marguerite Le Moyne est présente à Sauchay-le-Haut lors du baptême de Guillaume Benet, qui a priori n'a pas de parenté avec elle. Les informations apportées sont très intéressantes, même si elles ne résolvent pas la problématique initiale. Transcription : "[...] la marraine Marguerite Lemoine veuve de Jean Troche faiseur de bois à galoches, aussi de cette paroisse [...] ". La galoche est la forme améliorée du sabot et une chaussure très souvent portée dans les campagnes d'autrefois. Pour l'anecdote étymologique du jour, le mot galoche viendrait, d'après ce que j'ai lu, d'un dérivé latin du grec kalopous qui signifierait "pied de bois". Si vous souhaitez en savoir davantage sur les sabots, les galoches et leur fabrication, je ne peux que vous recommander cet article illustré. Cela explique certainement comment Marguerite Le Moyne a connu Jacques Benet, cordonnier de profession. Et puis finalement, je retrouve, une fois de plus par l'intermédiaire des signatures, l'acte d'inhumation de Marguerite Le Moyne.

Acte d'inhumation de Marguerite Le Moyne - 21 avril 1752 - Sauchay-le-Haut - Archives de la Seine-Maritime
En voilà un ! Transcription : "Le dimanche vingt-et-unième d'avril mille sept cent cinquante-deux le corps de Marguerite Lemoine veuve de Jean Troche, âgée de cinquante deux ans environ, munie des sacrements de pénitence, d'eucharistie et d'extrême onction, a été inhumé dans le cimetière de la paroisse par monsieur Lesage, curé de la dite paroisse présentée de Jean Nicolas, d'Antoine et de Louis Troche ses enfants, qui ont signé avec nous de leur signature ordinaire." Deux des fils de Marguerite, dont Jean Nicolas Troche, signent. Si l'on observe attentivement les signatures, on remarque quelques légères différences avec les autres que nous avons amassées au fil des recherches, non pas au niveau des graphies mais plutôt quant aux choix des prénoms. D'ordinaire, Louis Charles Troche signe de ses deux prénoms, alors qu'ici, il n'utilise que le principal. Jean Nicolas Troche, qui signe toujours Jean, emploie cette fois ses deux prénoms. Le dernier frère, Antoine Troche, ne sait pas signer en 1752. Il y a de quoi s'embrouiller avec toutes ces signatures, aussi amusons-nous à comparer leurs évolutions et variantes.

Signatures de Jean Nicolas Troche en 1752 et en 1769 - Archives de la Seine-Maritime
Signatures de Louis Charles Troche en 1752 et en 1755 - Archives de la Seine-Maritime
La dernière énigme qu'il nous reste à résoudre pour ce chapitre concerne le fameux mariage entre Jean Nicolas Troche et Anne Le Prince. Une aiguille dans une botte de foin un tas de feuilles... Récapitulons les éléments en notre possession :
  • Jean Nicolas Troche et Anne Le Prince se sont mariés et ont emménagé à Dieppe Saint-Rémy avant le 27 novembre 1748 ;
  • Charles Troche et Catherine Le Prince se sont mariés à Offranville le 17 juillet 1747 ;
  • Marguerite Le Moyne vivait à Sauchay-le-Haut en 1746 et y est morte le 21 avril 1752 ;
  • Il n'y a aucune trace d'un mariage Troche - Le Prince à Sauchay-le-Haut ;
  • Il n'y en a pas non plus ni à Offranville ni à Dieppe paroisse Saint-Rémy.
Réfléchissons peu réfléchissons bien comme dirait mon père. Nous avons manqué un détail. Ou plutôt, nous n'avons pas pensé à un détail. Il m'a fallu relire toutes mes recherches et me triturer la cervelle une trentaine de minutes pour trouver la solution car il y en a toujours une. Je vous donne deux indices : tout est histoire de lieu et de religion. En ayant cette phrase en tête, lisez les deux articles que j'ai consacrés à Dieppe, consultables à ces liens : ici et . La réponse est sous nos yeux ! L'avez-vous trouvée ?

Extrait de l'acte de mariage de Jean-Nicolas Troche et d'Anne Le Prince - 13 janvier 1748 - Dieppe - Archives de la Seine-Maritime
Souvenez-vous de ce que je vous ai dit : tous les chemins mènent à Dieppe - dans cette famille - ! Le vieux port est divisé en deux paroisses : Saint-Rémy et Saint-Jacques. Je n'avais pour l'instant pu retrouver des traces de la famille Troche que dans celle de Saint-Rémy, où des répertoires annuels facilitent considérablement les recherches. Le mariage de Charles Troche et de Catherine Le Prince à Offranville m'a dans un premier induit en erreur, m'incitant à chercher celui de Jean Nicolas et d'Anne dans les campagnes. Mais sans ce détour, je n'aurais jamais appris autant d'informations sur ces familles, notamment leur profession avant leur installation à Dieppe. Les recherches dans les registres de la paroisse Saint-Jacques ne sont pas très simples : les répertoires sont partiels et de nombreuses années ne sont pas référencées. Pire encore, il n'y a pas d'indications dans les marges à la gauche des actes pour indiquer de qui il s'agit !

Je dois mon salut à la signature de Marguerite Le Moyne que j'ai reconnue au moment où je m'apprêtais à tourner la page. Nous découvrons ainsi le mariage de Jean Nicolas Troche et d'Anne Le Prince, le 13 janvier 1748, dans les registres de la paroisse Saint-Jacques de Dieppe. L'acte, relativement long, contient de nombreuses informations dont une qui m'a grandement surpris. Par où commencer ? Jean Nicolas Troche, âgé de vingt-trois ans et demi, est domicilié rue de Sailly avec Anne Le Prince, dix-huit ans et demi. Les parents correspondent et des publications ont été faites à Offranville et à Sauchay-le-Haut. Charles et Antoine Troche, les frères de Jean Nicolas domiciliés rue du Trou, paroisse Saint-Rémy, sont témoins, avec des connaissances de la famille.

L'intérêt de cet acte, outre les renseignements et les preuves de ma théorie de départ qu'il apporte, réside dans les dernières lignes que je vous transcris ici et qui sont visibles dans l'extrait ci-dessus :"[...] et les susdits Jean Nicolas Troche et Anne Le Prince ont reconnu pour leur enfant Jean Nicolas Charles, né du 6 décembre dernier et baptisé le même jour en cette paroisse." Incroyable ! Les deux époux ont eu un enfant né avant leur mariage, alors que l'épouse était encore mineure. Plusieurs questions se croisent alors dans mon esprit : s'agirait-il d'un mariage arrangé entre les deux familles pour ne pas qu'un scandale éclate ? L'emménagement à Dieppe de ces deux jeunes gens est-il lié à cet amour considéré à l'époque comme illégitime ?

L'acte de baptême de Jean Nicolas Charles Troche est difficile à lire : l'encre a débordé et les lettres sont mal formées. Si j'ai bien compris, Anne Le Prince a reconnu avoir eu une relation hors mariage avec Jean Nicolas Troche, alors qu'ils travaillaient tous deux Dieppe. Relation de laquelle est né Jean Nicolas Charles. Les deux amants se sont donc connus jeunes. Anne Le Prince n'avait que dix-sept ans. Cela explique également comment deux personnes nées à une vingtaine de kilomètres l'une de l'autre ont pu se rencontrer au XVIIIe siècle, alors qu'il fallait au minimum plus de cinq heures de marche pour aller d'Offranville à Sauchay. On peut enfin en conclure que les familles se sont connues ainsi, par le biais de l'aventure entre Jean Nicolas Troche et Anne Le Prince, et que le mariage de Charles Troche et de Catherine Le Prince en juillet 1747 a été arrangé.

Ce troisième chapitre des aventures de la famille Troche nous a permis de découvrir l'importance des signatures, de leurs subtilités et plus généralement de l'écriture dans les recherches généalogiques et historiques. Une génération supplémentaire de cette famille a été reconstituée et nous avons découvert les circonstances singulières du mariage de Jean Nicolas Troche et d'Anne Le Prince. Alors que je pensais quitter Dieppe pour les campagnes, nous y sommes revenus au fil des actes. Si vous souhaitez lire les deux premiers chapitres de la chronique consacrée aux membres de la famille Troche, dont descend l'une de mes ancêtres, je vous invite à vous rendre d'abord ici puis .

Je vous propose, comme à l'accoutumée, un document particulier pour terminer ce troisième chapitre intitulé Jeux de signatures. A très bientôt pour de nouveaux articles !

Manufacture Monchablon. Dessus de porte. Scène à l'antique : mariage samnite - papier peint - XVIIIe - BNF (Gallica)

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