dimanche 8 juillet 2018

Généalogies chalabroises - Chapitre II : les meubles de Jeanne Saurine - Chalabre 1684-1714

Mon année universitaire s'est enfin terminée, a été validée et par chance sous le soleil !  J'ai hâte de lire les participations aux rendez-vous ancestraux du mois précédent auxquels je n'ai malheureusement pas pu prendre part même si j'aurais nettement préféré consacrer mon temps à ces exercices d'écriture passionnants plutôt qu'aux dissertations scolaires.   Si je suis quelque peu pris par l'organisation de mon prochain voyage en Andalousie - j'y retourne enfin après un an d'attente ! - dont je souhaite profiter pour visiter ou redécouvrir une nouvelle fois les sublimes joyaux andalous - Séville, Grenade, Jerez, Cádiz... ces noms sonnent déjà comme une ritournelle chaleureuse -  ce n'est pas pour autant que je chôme d'un point de vue généalogique. A vrai dire, je consacre pas mal d'heures, le soir et la nuit notamment, à mes actuelles recherches concernant les généalogies chalabroises. Souvenons-nous. Chalabre, ce singulier village perdu entre trois rivières aux confluences de l'Aude méditerranéenne et de l'Ariège pyrénéenne, où les familles semblent être toutes liées les unes aux autres, est le lieu de naissance de Pierre Bourrel, mon arrière grand-père maternel. Il y a une trentaine de jours déjà, nous avons suivi une piste sinueuse qui, nous menant de mon ancêtre Etienne Roussel (1777-1844) à Jean Rivals et Jeanne Saurine, deux chalabrois de la fin du XVIIe siècle, nous a fait découvrir quelques migrations fort intéressantes depuis le Gers, la Savoie et Rome jusqu'aux terres reculées du Kercorb.

Extrait d'un acte notarié entre Jeanne Saurine, Jean Rivals et Marie Vidal - 7 juillet 1692 - Relevés de F. Barby - Geneanet - LIEN
Il arrive parfois que je laisse le hasard décider de mes recherches, que j'ouvre un registre avec le désintéressement le plus total, sans anticiper la présence d'un quelconque document lié à mes ancêtres, ce qui me permet de découvrir nombre d'éléments à côté desquels je serais très certainement passé sinon, et même, justement, de tomber sur des actes concernant directement mes aïeuls sans avoir soupçonné leur existence. Il se trouve que l'adage ne se trompe point et que le hasard fait bien les choses : me voilà face à une nouvelle source, à savoir une reconnaissance de Jeanne Saurine, épouse de Jean Rivals. Le titre ne me paraissant que peu significatif de la nature de l'acte en lui-même, je me lance dans une lecture pour une fois rendue relativement simple par l'écriture très correcte de Rieurtort, le principal notaire chalabrois dont les liasses accessibles en ligne font mon bonheur quand j'arrive à les déchiffrer. Si seulement il existait des relevés de ce type dans d'autres régions, ma généalogie s'en trouverait plus qu'agrémentée.

Extrait d'un acte notarié entre Jeanne Saurine, Jean Rivals et Marie Vidal - 7 juillet 1692 - Relevés de F. Barby - Geneanet - LIEN
Lundi 7 juillet 1692. En cette journée qui n'a certainement d'estival que la date - l'été 1692 aurait été désastreux et la neige se serait invitée dès septembre un peu partout en Europe, paraît-il - Jean Rivals et Jeanne Saurine, mariés depuis novembre 1690 comme nous l'avons précédemment découvert, se rendent chez le notaire pour régler une affaire concernant la dot apportée par la dite Jeanne et sa mère, Marie Vidal, dont j'apprends par la même occasion l'identité dans l'extrait suivant : "Jean Rival[s] charron du dit Chalabre [...] lequel de son gré déclare avoir reçu de Marie Vidal sa belle-mère [...]" Plus intéressant encore, ces quelques lignes sont suivies d'une énumération des divers objets que Marie Vidal donne à son gendre, à savoir une couette, un coussin, des linceuls, une couverture de laine blanche un peu usée, un tour de lit décoré, des serviettes, des nappes, un chaudron de cuivre ainsi que d'autres bibelots dont les deux plus précieux sont une bague en or et une croix en argent. Il est par ailleurs fait mention du pacte de mariage dont découle cette reconnaissance et rédigé à l'automne 1690 par le même notaire.

Extrait du pacte de mariage entre les familles Rivals et Saurine - 29 octobre 1690 - Relevés de F. Barby - Geneanet - LIEN
Deux ans plus tôt, un pacte de plus de cent-quinze lignes établit les conditions du mariage de Jean Rivals et de Jeanne Saurine. Les premières lignes revêtent en général, pour ces documents, une importance généalogique non négligeable puisque des renseignements plus ou moins précis y sont donnés sur chacun des deux partis. Le titre peut également être annonciateur du contenu de l'acte ou du moins suggérer le rôle de certains membres de la famille. Ici il est écrit "Pacte de mariage de Rivals père et fils et de Vidal et Saurine mère et fille de Chalabre" , on peut dès lors tout à fait envisager que l'union ait été arrangée par le père de l'époux et la mère de l'épouse. Je vous ai précédemment fait part d'une intuition qui m'est venue à propos du père de Jean Rivals. Une intuition, un pressentiment suite à une lecture globale des registres chalabrois de la fin du Grand Siècle, selon lesquels Jean serait le fils de François Rivals et d'une certaine Blanche Lieusson ou Lieussou. Le pacte nous confirmerait-il cette hypothèse ?

Extrait du pacte de mariage entre les familles Rivals et Saurine - 29 octobre 1690 - Relevés de F. Barby - Geneanet - LIEN
Plus ou moins, disons qu'il tend à l'affermir notamment dans ce passage : "constitués en leurs personnes François et Jean Rivals père et fils maîtres-charrons du dit Chalabre d'une part". Cela me laisse plutôt optimiste. Le seul François Rivals que j'ai croisé a pour épouse Blanche Lieussou qui n'est certes pas mentionnée dans cet acte. Il me faudrait une preuve. Pour autant, je souhaite m'attarder sur un point relatif à ma conception personnelle de la généalogie dans laquelle une place importante est accordée à l'intuition. Je ne possède évidemment aucun don de voyance ou de divination, mais au fil des actes j'ai l'impression qu'il est plus facile, en tout cas pour moi, de partir d'une intuition générale, parfois même sur la structure entière d'une famille, pour ensuite évidemment la démontrer par les documents, que l'inverse. D'ailleurs, cette méthode me semble plus efficace pour relier les actes entre eux... Fin de la parenthèse méthodologique, à prendre davantage comme un ressenti personnel que comme une quelconque suggestion de conseil. Je suis curieux de connaître vos méthodes, il pourrait être tout aussi intéressant qu'instructif d'aborder sous cet angle la recherche généalogique.

Extrait du pacte de mariage entre les familles Rivals et Saurine - 29 octobre 1690 - Relevés de F. Barby - Geneanet - LIEN
Riche en renseignements non pas tant sur les Rivals mais surtout en ce qui concerne la famille Saurine, cet acte est une véritable porte d'entrée dans la maison et le quotidien de Jeanne Saurine et de sa mère Marie Vidal, qui est dite veuve de Jean Saurine. La reconnaissance de 1692 n'énumérait que les meubles apportés par Marie Vidal et ne faisait en aucun cas état de la dot de Jeanne Saurine ici décrite de manière détaillée, si ce n'est qu'elle en indiquait la date. La lecture de ces lignes vieilles de plus de trois siècles s'est avérée fort instructive, m'offrant une description précise des biens mobiliers de Jeanne Saurine, du moins de ceux dont elle se sert pour constituer sa dot, et me permettant surtout de mieux appréhender son cadre de vie quotidien, d'imaginer de manière plus réaliste les pièces de sa maison. La compréhension du lieu de vie d'un ancêtre, à différentes échelles et ici de manière approfondie, me paraît être une étape instructive d'une enquête généalogique. L'intérêt de ce document est d'autant plus fort que, suite aux constatations que j'ai faites de recherches sur le mobilier d'une habitation à la fin du XVIIe siècle, il me semble difficile de trouver des renseignements précis sur ce thème hormis en ce qui concerne les demeures les plus riches, sur lesquelles j'ai trouvé des descriptions détaillées. Il n'est donc pas aisé de définir l'intérieur d'une maison d'artisans ou de commerçants provinciaux de cette époque à l'instar de celle des Saurine...

Des ustensiles de cuisine aux tours de lit, les détails foisonnent dans cet acte à tel point qu'il m'a fallu de nombreuses pages pour en retranscrire l'essentiel à l'encre, sans que je ne parvienne pour autant à déchiffrer de matière systématique les divers adjectifs et indications caractérisant ces biens mobiliers listés les uns à la suite des autres, comme si nous visitions la demeure des Saurine pièce par pièce. Je découvre dans un premier temps la literie de mes ancêtres : un tour de lit de couleur feu, divers coussins remplis de plumes empilés ça et là avec trois couvertures usées et une plus en finesse, des étoffes, douze linceuls de toile commune, des serviettes, et une épaisse couette pour se prémunir de la rudesse des hivers montagnards, en ces années là exceptionnellement longs. Il n'est pas fait mention de l'aménagement intérieur ni de la disposition des pièces, aussi nous voici à présent dans un espace qui semble faire office de cuisine et de salle à manger, où trône un grand chaudron. Un chandelier en laiton offre une faible lumière. Par-ci par-là des tables en bois, usées, supportent des poiles à frire, un pot en métal de huit livres - ce qui équivaut à environ trois ou quatre kilogrammes -  et tout un amoncellement de plats et d'assiette tenant périlleusement en équilibre. Le tout réchauffé par de joyeuses flammes crépitant dans la cheminée. Un peu plus loin, une table massive et deux bancs de noyer où se réunit la maisonnée à l'heure des repas sont entourés par une rangée de cinq tonneaux pouvant contenir jusqu'à huit charges, et, à l'angle du mur, par un tonneau de plus grande envergure servant à faire bouillir la vendange et accompagné d'un meuble plus petit, sur lequel sont empilés en désordre des ustensiles et tout un tas de clés. La pièce semble baigner dans une rusticité douce et chaleureuse, celle des maisons de campagne d'autrefois...

De drôles d'objets meublent cet intérieur, à l'instar de la "grande [?] qu'on appelle cournade". Je n'ai absolument rien trouvé sur ce terme pittoresque et désuet, si ce n'est que Cournade est également le nom d'un plateau du col des Arazures, situé dans le Cirque d'Anéou, à la frontière entre les Pyrénées-Atlantiques et l'Espagne. Or je doute fort qu'il y ait un lien entre les deux, Chalabre étant à l'autre bout des Pyrénées. Une jarre en cuivre, des ustensiles pour pétrir la pâte et nous revoilà face à une ou plutôt deux autres curiosités elles aussi étrangement nommées : des bugadières. Dérivé du provençal "bugada", ce terme désigne une structure maçonnée qui ressemblerait à un placard, réalisée en pierre et destinée à accueillir le linge sale et la cendre du foyer par-dessus, si je m'en réfère aux définitions trouvées çà et là. Ces bugadières auraient apparemment servi aux femmes de la maison à faire la lessive. Les limites de ce qui semble être la pièce centrale de la maison me semblent quelque peu indiscernables, car de nouveau les accessoires de cuisine laissent place à "un grand garde-robe vieux", à un poêle en laiton ainsi qu'à divers objets dont trois cuillères en argent puis à une autre chambre, possiblement celle de Marie Vidal, mère de Jeanne Saurine, à qui les meubles qui s'y trouvent appartiennent. Outre une nouvelle succession de renseignements sur les toiles, étoffes et linceuls, ce sont davantage les descriptions des vêtements qui m'intéressent. Des quatre bas de robe que possédaient Marie Vidal, l'un est blanc, deux sont jaune citron et l'autre bleu. Ces détails qui pourraient à première vue ne paraître qu'insignifiants et anecdotiques sont en réalité révélateurs des véritables mines d'or que constituent les documents notariés. N'aimeriez-vous pas découvrir les teintes et les couleurs des vêtements portés par vos ancêtres trois siècles auparavant ?

Extrait du pacte de mariage entre les familles Rivals et Saurine - 29 octobre 1690 - Relevés de F. Barby - Geneanet - LIEN
Mais plus encore, les renseignements consignés dans ces poussiéreuses liasses me permettent de dresser un premier portrait de la famille Saurine, certes partiel mais fort utile pour les recherches dans les registres paroissiaux. Avant de nous attarder sur la structure familiale et sur les indications généalogiques apportées par ce pacte, n'oublions pas de mentionner un autre élément tout aussi intéressant qui est la description de certains biens appartenant alors aux Saurine, dont des terres situées à Roquefère - l'une des collines entourant Chalabre - où sont plantées des vignes, ce qui peut expliquer la présence des nombreux tonneaux et ustensiles "viticoles" dans la cuisine. Je ne vais pas résumer en détail les clauses relatives aux arrangements entre les divers membres de cette famille car il s'agit d'une partie assez ennuyante à lire. Nous en parlions un peu plus tôt, l'un des atouts majeurs de cette acte concerne la généalogie des Saurine. Les deux soeurs de Jeanne, fille de Marie Vidal et du défunt Jean Saurine, sont mentionnées tour à tour. La première, nommée Gabrielle, semble encore bien jeune et sa soeur est priée de subvenir à ses besoins. Une autre soeur, Marguerite, déjà décédée et épouse de François Bigou, tisserand, est également citée. D'autres clauses concerneraient un arrangement entre Marie Vidal et Jean Rivals, que je ne cerne pas bien, mais j'apprends tout de même que la maison des Rivals joignait la rue publique à celle du Sieur Lasale, et qu'une autre maison qui leur aurait aussi appartenu joignait la rue de l'Est du côté de l'Hers. La toponymie chalabroise ayant évolué depuis, je ne saurais situer avec précision ces maisons. Les dernières lignes du pacte listent les témoins et les proches des familles Rivals et Saurine : Jacques Bataille, Jean-Louis Cazalens, Etienne Rieutort, Jean et Charles Berniert ainsi que Jean Tisseire, tous habitants de Chalabre. Je remarque alors la signature d'un Rivals qui ne peut provenir que de l'époux ou de son père et qui va venir enrichir ma collection de signatures ancestrales.

Acte de sépulture de Marguerite Saurine épouse Bigou - février 1688 - Chalabre - Archives de l'Aude - Lien
Comme à l'accoutumée, la lecture d'un document suscite plus de questions qu'elle n'apporte de réponses, et ce pacte de mariage ne déroge pas à la règle. J'aimerais en apprendre davantage sur les deux soeurs de Jeanne Saurine et sur leur père Jean, dont le testament est mentionné. Une autre interrogation perdure : François Rivals avait-il bien pour épouse Blanche Lieussou ? Nous allons maintenant tenter de rendre ce voile d'inconnus un peu moins opaque, en reconstituant la piste de ces deux familles grâce aux "miettes" laissées dans les registres paroissiaux chalabrois... Autant se faire déjà à l'idée qu'avec le temps de chargement induit par la visionneuse, la tâche n'en est que plus ardue. Je ne tarde cependant pas à découvrir l'acte de sépulture de Marguerite Saurine, qui est donc ma tante à la onzième génération - à la fois si éloignée dans le temps et si proche par l'intermédiaire de ce document. - En voici la transcription : "Marguerite Saurine femme de François Bigou tisserand est morte le neuvième [février 1688] et a été enterrée le dixième février mille six cent quatre-vingt-huit. Présents Jean-François [?] et Lazare [de] Correjon." Pour l'anecdote, il se pourrait bien que ce Lazare de Correjon et sa famille soient le sujet d'un prochain article, dans quelques mois, en fonction du temps que je pourrais ou non consacrer à mes recherches. Marguerite Saurine est ainsi décédée au cours de l'hiver 1688, glacial comme tous ceux de sa décennie, deux ans avant la rédaction du pacte de mariage que nous avons précédemment étudié. Avant de poursuivre, je souhaite m'attarder sur un questionnement quelque peu philosophique lié à la trouvaille même d'un acte de décès. Autant il me paraît normal de se réjouir d'une naissance, ou même d'un mariage quoiqu'il ait pu être arrangé, autant je ne prouve pas tellement sain d'éprouver une sorte de satisfaction à retrouver un décès et ses circonstances plus ou moins précises. Il faut évidemment séparer le plaisir procuré par la découverte d'un nouvel élément venant enrichir notre arbre et l'événement tragique en lui-même. Je ne me suis jamais posé cette question jusqu'à la fin de l'année dernière, lorsque j'ai perdu à peu près en même temps et de manière presque subite mon grand-père et mon adorable chat. Je ne peux dès lors m'empêcher de penser que derrière ces lignes, aussi mal écrites soient-elles, il y a souvent la tristesse d'une famille, d'une maison. Et qu'il n'est en conséquence pas moralement sain de se réjouir de la trouvaille d'un acte de décès, même si les éléments qu'il comporte sont souvent fort précieux et indispensables pour toute recherche généalogique. Quel est votre avis sur la question ? Avez-vous déjà éprouvé une impression similaire ? Revenons maintenant à nos recherches...

Chapelle du Calvaire - Chalabre - Photographie réalisée par ma mère
Il devient habituel, lorsque les recherches sont menées de manière hasardeuses dans de vieux registres, de croiser quelques anecdotes retraçant des événements quelque peu singuliers, du moins suffisamment remarquables pour que l'on y s'attarde dessus. Lors du précédent article, nous avions en partie découvert les réseaux migratoires de Chalabre au XVIIIe siècle. J'apprends cette fois l'existence d'un certain Jean Prats, ermite du Mont du Calvaire, décédé en avril 1697. La chapelle du Calvaire est un lieu que je connais bien pour m'y promener souvent. La vue sur Chalabre et les premiers contreforts des Pyrénées peut y prendre des allures majestueuses. Je rattache cet endroit au souvenir des champs de lavande qui l'entourent parfois comme sur cette photo prise par ma mère et qui date d'il y a quelques années. La découverte de ce Jean Prats, ermite il y a plus de trois siècles de la chapelle du Calvaire, m'a ainsi légèrement interpellé puisqu'il s'agit du seul et unique "habitant" de ce lieu dont j'ai retrouvé une trace dans les registres paroissiaux chalabrois. Plus passionnant encore, il est écrit, dans l'acte de sépulture, qu'avant de devenir ermite, Jean Prats exerçait le métier de tisserand et qu'il était originaire de Pamiers, dans l'Ariège. Je vous invite à lire l'acte en question à ce lien.

Les saisons, l'hiver - estampe - J. Callot ; J. Sadeler ; F. G. Bassano - 1609-1612 - Provient de la BNF (Gallica) - LIEN
Si d'autres anecdotes ont attiré mon attention, je ne compte tout de même pas les dévoiler toutes en un même article, d'autant que j'ai également retrouvé, après quelques longs visionnages, deux actes fort intéressants - et toujours liés à des décès -,  concernant Jeanne Saurine et son beau-père François Rivals. Nous avions déjà abordé, et je ne suis pas le seul à en parler d'ailleurs, le thème du terrible hiver de l'année 1709, l'un des plus glaciaux que les contrées européennes à l'époque si froides connurent. Or, au cours de cet épisode polaire, deux membres des familles Rivals et Saurine trouvent malheureusement la mort. Jeanne Saurine trépasse au plus fort de l'hiver, au début du mois de février 1709, et son beau-père à la fin de décembre. Je n'ose imaginer les dures conditions de vie de la population à cette époque, Chalabre étant influencé autant par le climat méditerranéen en été que par le temps montagnard en hiver. Les nombreuses couvertures, couettes ainsi que poêle et la cheminée mentionnés plus ou moins précisément dans le pacte de 1690 n'ont visiblement pas suffi à protéger les familles Rivals et Saurine des intempéries. Jeanne Saurine laisse un mari probablement éploré et trois enfant, dont l'ainée, Izabeau, n'est âgée que de dix-sept ans.

Extrait du Pacte de mariage entre Antoine Clerc et Izabeau Rivals - 22 janvier 1714 - Relevés de F. Barby - Geneanet - Lien
Le dernier document sur lequel je tombe lors de ces recherches est le pacte de mariage entre Antoine Clerc et Izabeau Rivals, fille de Jeanne Saurine. Nous en sommes revenus au point de départ, puisque lors du précédent chapitre, nous nous étions également arrêtés sur ce document. Mais je détiens cette fois davantage d'informations pour mieux interpréter les clauses qui y sont fixées, et notamment celles concernant Jean-François Rivals dont je descends, fils de Jeanne Saurine et frère d'Izabeau. Il est écrit : "[Jean-François Rivals] son frère, qui n'est âgé que d'environ douze ans, il a baillé et baille du courant du dit Belinguier son curateur [aussi de ?] Clerc père et fils acceptant, la jouissance des champs et vignes joignant situés au terroir du dit Chalabre, au terme dit à Roquefère, attenant à Villeneuve [...]". Si je ne m'abuse, et j'insiste sur le si, la situation de cette famille est telle qu'en 1714, Jean-François Rivals est orphelin. Il vient de perdre son père une semaine plus tôt, aucun de ses grands-parents n'est apparemment en vie, sa mère Jeanne Saurine est morte depuis cinq ans. N'ayant ni l'âge ni les moyens de se nourrir, il est confié avec l'accord de ses tuteurs à sa soeur Izabeau et à l'époux de cette dernière, Antoine Clerc, qui acceptent de le nourrir et de subvenir à ses besoins en échange des terres et des vignes de Roquefère, qui sont certainement celles mentionnées vingt-quatre ans plus tôt dans le pacte de mariage entre Jean Rivals et Jeanne Saurine, et qui appartenaient à Marie Vidal, la grand-mère de Jean-François Rivals, dont je n'ai d'ailleurs pas retrouvé de traces... J'aurais presque envie de conclure sur cette phrase : la boucle est bouclée.

Généalogies chalabroises - Saurine et Rivals - Synthèse - Wilfried Lehoux - à partir des sources indiquées dans cet article
Plusieurs possibilités se profilent à l'horizon pour la suite de ces généalogies chalabroises. Le prochain chapitre pourrait bien être consacré aux ancêtres de Jeanne Dufrène (familles Dufrène, Bonnery, Valia et Artigues) à moins que je ne change d'avis entre-temps. Si vous souhaitez lire le premier chapitre de cette chronique sur les Roussel, les Rivals et les réseaux migratoires de Chalabre au XVIIIe siècle, je vous y invite ici. En attendant, je continue à organiser mon voyage en Andalousie - un an que j'attends de retourner dans cette région que j'affectionne tout particulièrement -, ce qui me prend pas mal de temps, je poursuis mes recherches et j'envisage également de me consacrer un peu à l'écriture si l'inspiration me vient, et de prendre peut-être un peu d'avance sur le programme de l'année prochaine. Je profite également des vacances pour lire, notamment Más allá del invierno d'Isabel Allende, que je ne peux que vous recommander. En ce qui concerne cette chronique dédiée aux généalogies chalabroises, avec le nombre d'ancêtres que j'ai dans ce village, je pense pouvoir décliner les épisodes pendant pas mal de temps encore. Il est par ailleurs tout à fait probable que je change un peu de thème au cours de l'été. J'aimerais participer une nouvelle fois au rendez-vous ancestral - que j'ai raté le mois précédent à cause des partiels reportés en raison du blocage de l'université - mais aussi publier d'autres enquêtes généalogiques, peut-être plus ponctuelles, mais que je prends également plaisir à écrire. Terminons avec une autre estampe du même auteur que la précédente, représentant l'été. A bientôt !

Les saisons, l'été - estampe - J. Callot ; J. Sadeler ; F. G. Bassano - 1609-1612 - Provient de la BNF (Gallica) - LIEN

2 commentaires:

  1. Ta manière de consulter les registres m’est familière. Se laisser porter par le courant est très agréable et les découvertes surgissent lorsque c’est un lieu familier. Suivre ses intuitions et boire à la source, voilà de belles activités pour l’été. Comme tu mets bien en situation cette belle trouvaille !
    Pour la question des sentiments de tristesse lors d’un deuil, bien sûr cela nous touche, mais la tristesse est souvent mêlée de la joie de réveiller des souvenirs.

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    1. Merci !
      Je suis tout à fait d'accord, les découvertes surgissent parfois les unes après les autres ou au hasard d'une page, et c'est très satisfaisant de retrouver ainsi un document ou un renseignement

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